AXE : Justice, Normes & Organisations 

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   L’axe a tout d’abord et fondamentalement, une ambition méthodologique lui permettant de situer sa légitimité au confluent des questionnements conduits par le droit et les sciences de gestion. Conformément aux finalités du présent projet scientifique, l’axe doit permettre et faciliter le développement (autour de trois objets : la justice, les normes et les organisations) de réflexions croisées et de programmes de recherche, dans une perspective pluridisciplinaire et interdisciplinaire. 

Au-delà de l’exploration commune des objets de recherche, l’axe va permettre le développement de thématiques ouvertes, à titre complémentaire, aux contributions d’autres disciplines des sciences humaines et sociales comme la science politique, l’histoire, la géographie, ou encore les langues et civilisations. 

La justice, objet d’étude classique pour les juristes, est généralement appréhendée par l’analyse juridique dans ses trois dimensions organiques, fonctionnelle et conceptuelle. Or, force est de constater que chacun de ces trois angles d’observation de la notion de justice appelle avec évidence une analyse croisée avec les outils et méthode des sciences sociales, notamment du management. 

Le premier point d’observation de la notion de justice prend appui sur la dimension organique de cet objet scientifique. Vu sous cet angle, la justice renvoie à la notion d’autorité ou de pouvoir judiciaire telle qu’appréhendée par le droit constitutionnel, ainsi qu’à celle d’institution judiciaire, saisie par le droit privé, comme par le droit administratif, ou encore le doit de la fonction publique. Du point de vue organique, la théorie de l’institution, telle qu’elle est mise au jour par de riches réflexions doctrinales issues de la sociologie (à l’époque où elle était une science nouvelle à la fin XIXe) et du droit public (v. évidemment la théorie de l’institution systématisée et affinée par Maurice Hauriou jusqu’en 1925) constitue un outil d’analyse privilégié. Il n’en demeure pas moins que la théorie des organisations (pouvoir, culture, processus de prise de décision, dynamiques de groupe) en permet également une appréhension des plus larges et parfaitement complémentaire 

Dans sa dimension matérielle (l’acte de juger i.e. la fonction juridictionnelle) la justice est principalement étudiée par le droit processuel. Ici encore, la notion d’organisation, en ce qu’elle s’intéresse non pas seulement à des entités, mais également à des processus, met à disposition de l’observateur ses propres outils d’analyse, qui complèteront ceux du droit. 

Enfin, considérée sous l’angle conceptuel (idée de justice ; théorie de la justice), l’on sait que depuis David Hume et John Rawls, la question de justice surgit d’un dilemme – résolu par convention humaine – relatif à l’inévitable répartition des droits et des devoirs entre les individus qui composent la société. Conceptuellement, la justice est donc une règle d’organisation des institutions sociales, conventionnellement admise, apte à opérer une juste répartition des droits et devoirs. Le concept d’organisation apparaît évidemment apte à se saisir de cet objet, autant qu’à l’éclairer.  

Les normes

La science du droit développe des outils d’analyses diversifiés (raisonnement par déduction ou induction ; méthodes liées à l’herméneutique etc.) conférant à l’observateur de la norme les moyens de l’interpréter, de la resituer au sein d’un système, d’en évaluer la qualité et le bien-fondé, de la soumettre à la critique et de la confronter aux faits. La seule observation de la norme, dans les limites d’une démarche positiviste coupée des réalités, peut constituer pour le chercheur un enfermement intellectuel nuisible à la complète compréhension de cet objet central pour la science du droit (V. Jacques Commaille, À quoi nous sert le droit ?, Gallimard, 2015, coll. Folio Essais).  

L’analyse de la fabrication des normes nationales et locales, en lien avec les niveaux européens et internationaux, de leur mise en œuvre et de leur contestation, qu’elle prenne une forme contentieuse ou extra-judiciaire (via la négociation, la concertation, le dialogue entre parties prenantes sur un territoire via la RSE, les modes alternatifs des règlements des différends - MARD), est inséparable du territoire et de ses enjeux spécifiques. En effet, si la normativité est traditionnellement imposée par l’État, d’autres acteurs (associations, citoyens, scientifiques) porteurs de réflexions, pratiques et revendications quant aux risques sanitaires, aux pesticides, à l’agroécologie, aux conflits d’usage liés à l’eau, l’air ou l’espace, à l’accroissement de l’urbanisation, au changement climatique, etc., visent à s’inscrire dans une démarche de démocratie dialogique (V. Gérard Timsit, « La régulation. La notion et le phénomène », Revue française d'administration publique, 2004/1, n° 109, p. 5-11), questionnant la permanence du droit dans nos sociétés.

L’organisation, forgée par la théorie des organisations, se pose en complément bienvenu d’une analyse purement institutionnelle et normative. Dans sa généalogie, elle a posé les prémices d’une compréhension du phénomène et de l’organisation bureaucratique au sens d’Hegel (Principes de la philosophie du droit) et surtout de Max Weber (Économie et société). Elle est des plus compréhensives et embrasse un horizon très large, englobant, pour les dépasser, les notions juridiques d’institution, de personne morale, de société, d’association, de collectivité sans oublier le contrat. La notion d’organisation s’avère riche de virtualités dans ses croisements possibles avec l’analyse juridique elle-même. 

L’analyse est appliquée tant aux entités publiques que, plus largement, à l’ensemble des entités, y compris de droit privé, quelle qu’en soit la forme juridique (association, fondation, société commerciale). Elle accompagne au demeurant, en ne se refusant pas de le critiquer, l’engouement pour le modèle de l’entreprise et le développement du management public, par le prisme des notions de pilotage, de stratégie, de performance, de qualité, d’évaluation et de gouvernance. Elle permet encore, par une approche managériale, une analyse des processus de décision. 

Ces regards croisés du droit et du management permettront d’éclairer les analyses portant sur toute une série de phénomènes contemporains mais aussi plus anciens, en faisant ressortir les filiations ou généalogies entre les différentes époques.